Conclusions sur le Tchad du Rapport 2021 sur la traite des Personnes
TCHAD : LISTE DE SURVEILLANCE DE NIVEAU 2
Le gouvernement du Tchad ne respecte pas pleinement les normes minimales pour l’élimination de la traite mais fait des efforts importants pour y parvenir. Par ailleurs, les autorités ont pu identifier de potentielles victimes et fait des efforts pour sensibiliser la population sur le crime et combler les importantes lacunes dans les efforts de lutte contre la traite dans le pays. Le Ministère de la Justice a légalement à mis sur pied un Comité National de Lutte contre la Traite et a désigné un point focal pour coordonner les efforts du pays contre la traite des êtres humains. Cependant, le gouvernement n’a pas fourni des efforts considérables par rapport à la période de référence précédente, même en tenant compte de l’impact de la pandémie de COVID-19 sur sa capacité de lutte contre la traite. Aucune enquête, poursuite ou condamnation de cas confirmés de traite n’ont été signalé par le gouvernement. Également ni la désignation des membres ou l’installation du Comité National de Lutte contre la Traite n’ont été signalé comme l’exige la loi de 2018 du pays. Par conséquent, le Tchad est resté sur la liste de surveillance de niveau 2 pour la deuxième année consécutive.
RECOMMANDATIONS PRIORITAIRES :
Tout en respectant la procédure régulière :
- Enquêter vigoureusement et poursuivre les trafiquants présumés conformément à la loi tchadienne anti-traite 006/PR/18.
- Sanctionner les trafiquants condamnés avec des peines conformément à la loi 006/PR/18.
- Élaborer des procédures opérationnelles normalisées (POS) formelles pour l’identification et l’orientation des victimes de la traite vers des soins médicaux ;
- Former les services de sécurité, les forces de l’ordre et la société civile à la mise en œuvre des SOP. • Installer officiellement et doter en personnel le Comité National de Lutte contre la Traite des Personnes (NCCTIP) et inclure la société civile, les ONG et les organisations internationales dans ses activités.
- Rédiger, finaliser et fournir des ressources suffisantes pour mettre en œuvre un plan d’action national de lutte contre la traite qui comprend des mesures visant à accroître la capacité du gouvernement à poursuivre les trafiquants, à identifier les victimes et à prévenir le crime par le biais de la sensibilisation. • Faire la distinction entre la traite des êtres humains et le trafic de migrants pour renforcer les efforts du public et du gouvernement pour lutter contre la traite des personnes.
- Intégrer la sensibilisation à la traite des êtres humains dans la formation de base des agents des forces de l’ordre et judiciaires, en coordination avec les organisations internationales et les donateurs.
- Mettre en place une unité spécialisée dans la lutte contre la traite au sein de la police judiciaire pour s’assurer que les agents enquêtent efficacement sur les crimes de traite présumés dans le cadre de la loi de 2018 sur la traite établie dans le pays.
- Inclure des volets traite à l’école de formation du ministère de la Justice à N’Djamena à l’intention de tous les nouveaux magistrats et procureurs qui y fréquentent.
- Augmenter la fourniture de services d’hébergement et de protection à toutes les victimes de la traite, en coordination avec les ONG et les organisations internationales.
- Utiliser en commençant par N’djamèna les stations de radio communautaires locales pour sensibiliser le public à la traite des êtres humains et intégrer le Haut Conseil Islamique, les chefs tribaux et d’autres membres du système de justice traditionnelle dans des campagnes de sensibilisation.
- Compte tenu des informations selon lesquelles Cuba force ses citoyens à travailler à l’étranger dans des missions médicales, se référer auprès des travailleurs médicaux cubains pour obtenir les indicateurs sur la traite et les orienter vers les services appropriés, s’il est établi que des conditions d’exploitation existent.
POURSUITE
Le gouvernement a légèrement accru les efforts globaux d’application de la loi. La loi 006/PR/2018 relative à la lutte contre la traite des personnes incrimine le trafic sexuel et le trafic de main-d’œuvre. L’article sept de la loi 006/PR/2018 prévoyait des peines de quatre à 30 ans d’emprisonnement et une amende de 250 000 à 5 millions de francs CFA (CFA) (470 à 9 450 dollars) ; ces peines étaient suffisamment sévères et, en ce qui concerne le trafic sexuel, à la hauteur des peines prévues pour d’autres délits graves, comme le viol.
Le Ministère de la Justice a signalé avoir enquêté, poursuivi et condamné trois trafiquants potentiels, bien que les responsables n’aient pas partagé suffisamment d’informations pour préciser s’il s’agissait de cas de travail forcé, d’exploitation sexuelle ou de trafic d’êtres humains.
Les observateurs ont noté que les magistrats n’ont souvent pas accès à Internet, à l’électricité ou au téléphone, ce qui rend difficile la compilation et la communication des données relatives à l’application de la loi.
Les tribunaux ont sanctionné les auteurs des peines suivantes :
- Cinq ans d’emprisonnement et 1 000 $ d’amende ;
- Cinq ans d’emprisonnement et 200 $ d’amende ;
- et 18 mois d’emprisonnement et 200 $ d’amende.
Les experts ont déclaré que les sanctions étaient plus proches du code pénal que de la loi anti-traite de 2018. Indépendamment des trois cas partagés par le ministère de la Justice, les médias ont signalé trois cas potentiels, bien qu’il ne soit pas clair s’il s’agissait de traite ou de trafic d’êtres humains. Au cours de l’année précédente, le gouvernement n’a signalé aucune enquête ou poursuite sur des cas de traite ; les tribunaux ont déclaré avoir condamné un trafiquant pour avoir forcé plusieurs victimes à travailler dans les mines d’or du nord du Tchad et ont condamné l’auteur à trois ans d’emprisonnement et à une amende de 200 000 CFA (380 $). Pendant la période de référence, la pandémie a entraîné la fermeture des tribunaux par le ministère de la Justice de mars à juin, puis de nouveau en janvier 2021.
Les observateurs ont noté que certaines communautés ont résolu des problèmes, y compris des infractions pénales, par le biais de tribunaux coutumiers, traditionnels ou islamiques, par opposition au système judiciaire codifié.
En février 2021, le ministère de la Justice a publié une directive à l’intention de tous les procureurs, présidents des cours d’appel et présidents des grands tribunaux exhortant les autorités judiciaires à donner la priorité aux cas de traite et à transmettre tous les cas avant et après jugement au Département des affaires judiciaires du ministère de la Justice. De plus, les responsables ont partagé la note avec le public via les réseaux sociaux.
Les autorités n’ont pas signalé d’enquête, de poursuite ou de condamnation de fonctionnaires complices d’infractions de traite des êtres humains, malgré que les experts aient affirmé que des fonctionnaires étaient complices de crimes de traite. Les rapports de complicité comprenaient des forces de sécurité affiliées au gouvernement tirant profit d’activités illicites telles que le travail forcé dans l’élevage de bétail dans les zones rurales du pays et le long de ses frontières, ainsi que des fonctionnaires forçant les prisonniers à travailler dans des entreprises privées indépendamment de leurs peines légales.
En 2020, le gouvernement n’a pas déclaré avoir organiser de formation spécifique à la traite pour les fonctionnaires ; cependant, la pandémie a entravé la capacité du gouvernement à entreprendre des initiatives de formation en limitant les réunions de plusieurs personnes. Le gouvernement a apporté un soutien en nature pour une formation financée par des donateurs pour 68 responsables de mise en application des lois et de la justice sur la loi de 2018 sur la traite au cours de la période du rapport précédente.
PROTECTION
Le gouvernement a maintenu ses efforts pour protéger les victimes. Il a identifié plus de victimes potentielles, mais les autres efforts de protection sont restés minimes ; les autorités n’ont pas signalé avoir identifié de victimes au cours de la période de référence précédente. Les autorités n’ont pas dépisté de manière proactive les indicateurs relatifs au trafic.
Des officiers du bataillon de la force conjointe du G-5 Sahel du Tchad, stationnés dans la province du Tibesti, dans le nord du pays, ont identifié 19 enfants victimes potentielles lors d’une opération en février 2021, bien que ces enfants aient pu être associés à des trafics de clients.
Le ministère de la Femme, de la Famille et de la Solidarité Nationale a fourni un abri et des soins de base aux 19 enfants. En outre, le Comité National des Droits de l’Homme a enquêté sur des allégations de traite des êtres humains dans la province de Bitkine et a signalé le retour de quatre victimes à leurs familles en janvier 2021.
Le gouvernement est resté sans entrevoir des procédures écrites complètes d’identification et d’orientation des victimes pour guider les responsables de première ligne. La politique du NCCTIP demandait aux fonctionnaires de renvoyer les cas présumés de traite d’enfants aux agents de la brigade de protection de l’enfance, qui enquêtent et signaler les cas au ministère de la Justice et renvoyer les cas impliquant des victimes adultes à la police ; le gouvernement n’a déclaré avoir renvoyé aucun cas au cours de la période considérée.
Les forces de l’ordre ont travaillé en coordination avec la principale ONG anti-traite du pays, malgré le fait que le gouvernement n’ait pas fourni de soutien matériel à cette ONG au cours de l’année. Le ministère de la Femme, de la Famille et de la Solidarité Nationale, en partenariat avec une organisation internationale et des ONG locales, a continué à gérer des centres de transit qui ont servi d’abris temporaires dans tout le pays. Les refuges fournissaient un logement temporaire, de la nourriture et une éducation aux victimes de violence sexiste et d’autres crimes, y compris les victimes potentielles de la traite. Les responsables n’ont pas déclaré avoir fourni de services aux victimes de la traite dans ces refuges au cours de la période considérée. Les orphelinats privés ont déclaré avoir fourni une assistance aux enfants victimes de la traite, bien que ces organisations sans pour autant fournir de données statistiques. Les services restaient limités aux zones urbaines et étaient largement inaccessibles à une grande partie de la population rurale du Tchad.
En absence d’une politique formelle relative à la mise à disposition de résidences temporaire ou permanente aux victimes étrangères de la traite, le Gouvernement n’a signalé aucune identification de victime étrangère. Bien qu’il n’y ait eu aucun rapport, le gouvernement a pourtant pénalisé des victimes de la traite pour des actes illégaux que les trafiquants ont dû commettre, les autorités auront arrêté certaines victimes en raison de l’absence de procédures formelles d’identification et d’orientation des victimes, ainsi que de la compréhension limitée des autorités du crime. Bien que la pandémie n’ait pas modifié de manière significative le minimum disponibilité des services offerts aux victimes, ses impacts économiques négatifs ont affecté les budgets du gouvernement et la capacité correspondante à orienter le personnel vers les services sociaux du pays.
LA PRÉVENTION
Le gouvernement a poursuivi ses efforts pour prévenir la traite, et le soutien de haut niveau aux efforts de lutte contre la traite s’est légèrement amélioré. La loi 06/PR/2018 a désigné le NCCTIP comme entité chef de file en matière de lutte contre la traite. En février 2021, le ministre de la Justice a signé un décret 151/MJCDH/2021 établissant légalement le NCCTIP avec 25 membres représentant 21 entités différentes, dont trois postes désignés pour les représentants de la société civile. Toujours en février, le ministère de la Justice a désigné un point focal unique pour les questions de TIP. Cependant, le gouvernement n’a pas officiellement installé ou doté en personnel le NCCTIP avant la fin de la période de référence. Le gouvernement n’a pas élaboré de plan d’action national en 2020, ce qui a entravé les efforts de coordination au cours de la période considérée. L’impact délétère de la pandémie sur les budgets gouvernementaux et les opérations gouvernementales – couplé à la chute des prix du pétrole – a entravé la mise en œuvre des initiatives de trafic par les autorités. Le gouvernement n’a pas fait de recherche indépendante sur la traite au Tchad, ce qui a exacerbé un manque général de compréhension du problème dans le pays.
Au cours de la période considérée, les responsables ont promu des campagnes de sensibilisation en s’appuyant sur la radio et les médias sociaux, et ils ont mis en évidence les arrestations de trafiquants présumés auprès de la presse, des ONG et de la communauté diplomatique. Le gouvernement a collaboré avec l’émission de radio Know Your Rights (Connaitre Vos Droits) dans une émission d’octobre, mettant en vedette le ministre de la Justice et le directeur de la Commission Nationale des Droits de l’Homme, pour encourager le dialogue public autour de la traite des êtres humains. Les autorités n’ont divulgué la mise en œuvre d’aucune activités de sensibilisation au cours de la période de référence précédente. Le gouvernement a continué à ne faire aucun effort perceptible pour réduire la demande de commerce du sexe au cours de la période considérée. Le manque de documents d’identité est resté un facteur de risque pour la traite au Tchad, et le gouvernement n’a pas précisé s’il continuait à mettre en œuvre la politique d’enregistrement des naissances de 2013 exigeant la délivrance universelle d’actes de naissance uniformes. Le gouvernement n’a pas fourni de formation anti-traite à ses troupes avant leur déploiement en tant que soldats de la paix. Les autorités n’ont pas fourni de formation ou d’orientation anti-traite à son personnel diplomatique.
PROFIL DU TRAFIC
Comme indiqué au cours des cinq dernières années, les trafiquants d’êtres humains exploitent les victimes nationales et étrangères au Tchad, et les trafiquants exploitent les victimes tchadiennes à l’étranger. La traite des êtres humains reste un phénomène essentiellement interne. Les familles confient fréquemment leurs enfants à des proches ou à des intermédiaires pour recevoir une éducation, un apprentissage, des biens ou de l’argent ; Certains de ces parents ou des intermédiaires forcent ou contraignent par la suite les enfants à travailler comme domestiques ou à élever du bétail. Les individus associés aux petites et moyennes entreprises forcent les enfants à mendier dans les zones urbaines et les exploitent comme ouvriers agricoles dans les fermes, les mines d’or du nord et la production de charbon de bois, et en tant que travailleurs domestiques à travers le pays. Dans la région du Lac Tchad, les membres de la communauté exploitent certains enfants pour attraper, fumer et vendre du poisson. Les enseignants de certaines écoles coraniques traditionnelles connues sous le nom de Mouhadjirin contraignent les enfants des petits villages ruraux à mendier, à vendre dans la rue ou à d’autres travaux forcés dans tout le pays.
Les éleveurs de bétail forcent certains enfants à travailler le long des routes traditionnelles pour faire paître le bétail et, parfois, traversent des frontières internationales mal définies vers le Cameroun, la République centrafricaine, le Soudan et le Nigéria.
Les trafiquants dans les zones rurales vendent des enfants sur les marchés pour les utiliser dans l’élevage de bétail ou de chameaux. Dans certains cas, les autorités militaires ou locales exploitent en toute impunité les enfants bergers dans le cadre du travail forcé. De plus, des experts allèguent que des fonctionnaires obligent les prisonniers à travailler dans des entreprises privées en plus de leurs peines légales. Des éléments criminels exploitent certaines filles tchadiennes rurales qui se rendent dans les grandes villes à la recherche de travail dans le trafic sexuel d’enfants ou la servitude domestique. Selon les observateurs, les mercenaires tchadiens recrutés en Libye pour prendre les armes dans le conflit ont facilité la traite des êtres humains.
Le Tchad accueille environ 930 000 réfugiés, personnes déplacées à l’intérieur du pays, rapatriés et demandeurs d’asile en février 2021 ; ces populations peuvent être vulnérables à la traite, y compris l’exploitation sexuelle des adultes et des enfants, en raison de leur instabilité économique et manque d’accès aux systèmes de soutien. Alors que de nombreuses personnes entrant clandestinement en Libye pour des raisons économiques ont d’abord utilisé les services de passeurs, les trafiquants exploitent certains de ces migrants irréguliers dans le commerce du sexe ou le travail forcé. Le groupe terroriste nigérian Boko Haram et l’organisation terroriste ISIS-Afrique de l’Ouest ont enlevé de force des enfants pour en faire des enfants soldats, des kamikazes, des enfants mariées et des travailleurs forcés. Les groupes armés communautaires chargés de défendre les personnes et les biens dans les zones rurales recrutent et utilisent des enfants dans les conflits armés. Les ressortissants cubains travaillant au Tchad dans le cadre de missions médicales peuvent avoir été contraints de travailler par le gouvernement cubain.